2.7.11

Sedona / Jerome, ville fantôme - 18 juillet




(photo tirée du site de l'hôtel Best Western Inn)

Breakfast, une heure de piscine, et hop! On file à Jerome, the ghost town. Grâce à la carte de la région fournie par l'hôtel, j'ai réussi à localiser la petite ville exactement à 45 mn de voiture de Sedona: elle se trouve sur la 89 A que nous avons suivie depuis Flagastaff, en direction du sud. Si près!

Avant le départ, je jette un oeil sur mes mails: des nouvelles de la chaudière. Notre amie Virginie se douche toujours à l'eau froide: le réparateur qui est passé une première fois pour diagnostiquer la panne n'est toujours pas passé avec la pièce qui a été cassée. L'entreprise avec laquelle nous avons un contrat d'entretien n'a pas commandé celle-ci sous prétexte que notre amie n'a pas payé d'avance les 75 Euros nécessaire à la commande de la dite pièce. Virginie qui est un peu juste financièrement refuse d'avancer la somme. Pierre et moi sommes furax après l'entreprise. Ils savent où on habite depuis 5 ans! Ils peuvent bien nous faire crédit jusqu'à ce qu'on revienne des USA, non? Non. Et à cause du décalage horaire, il nous faudra patienter jusqu'à ce soir 23h pour les appeler et tenter de régler le problème par virement via internet.
De son côté, Annette a le sourire en bondissant, légère, dans la voiture avec son short et sa queue de  cheval: elle a eu son papa longuement au téléphone ce matin.




Quant à Gaston, il se demande bien pourquoi le vent vient d'emporter sa petite roue à vent par la vitre ouverte de la portière et réclame à son père un lasso de cow-boy pour compléter sa panoplie.
Il a toujours un succès fou dans chacun de nos déplacements avec son chapeau, son foulard autour du cou, sa chemise John Wayne, son short, ses mini bottes en peau de serpent et son étoile de shérif.



Je suis très émue en redécouvrant Jerome: j'avais un vague souvenir qui remontait à dix ans, lorsqu'avec un ami américain j'avais découvert cette ville bâtie sur le versant de Cleopatra Hill, poussée comme un champignon à la faveur d'exploitation de mines dans le secteur. 




Avec la fermeture des mines, Jerome s'est progressivement vidée de ses habitants jusqu'au milieu des années 70/80 où elle a fini par devenir une ville fantôme, abandonnée de tous. Mais quelques habitants nostalgiques se sont mobilisés pour que la ville renaisse de ses cendres et reprenne vie. Sa richesse architecturale et ses bâtiments 1900 miraculeusement conservés, l'incroyable point de vue sur la vallée, lui ont permis de devenir une grande dame du tourisme local et de pouvoir prétendre aujourd'hui être la ville fantôme la plus habitée des USA.




Il sera beaucoup question de Jerome dans "Black coffee". J'avais à coeur depuis dix ans de revenir, humer cet air d'une pureté étrange, de retrouver ce restaurant avec sa terrasse sous un ciel bleu limpide où l'on m'avait servi un succulent hamburgers appelé (cela m'avait amusé) the haunted hamburger. Je me souvenais que l'on y servait les boissons dans des bocaux. 
Je me souvenais aussi d'un lieu étrange avec de vieilles carcasses de voitures exposées en plein air, un étrange bric-à-brac de voitures fantômes, dont j'avais fait des photos à l'époque... Mais était-ce bien à Jerome?
En arrivant dans la ville, il fait une chaleur écrasante. Nous avons du mal à sortir de la voiture - surtout Annette qui ne voit pas l'intérêt d'aller visiter le musée local consacré à la vie minière.
Je ne reconnais pas en ce musée l'endroit que je cherche, mais en jetant un oeil aux prospectus mis à disposition des touristes, je découvre sur un plan de la ville, tout au bout d'une route, un peu à l'écart à un mile au nord, The Gold King mine Museum. C'est là!  Je pousse tout le monde dans la voiture et on file directement là-bas. 




Il est aux alentours de 12h30/13h, le soleil est au zénith, dehors, un four. Annette fait encore sa mauvaise tête pour sortir de la voiture. Je finis par la laisser toute seule dedans en lui prédisant qu'elle va cuire dans moins de 5 mn, une fois la clim' coupée. Elle nous rejoindra un instant plus tard dans la boutique (des tas de gadgets et pas mal faisant référence à la route 66). Problème : elle a oublié de verrouiller la voiture - et laissé les clés de contact -. La Mercury est restée sur le parking pendant toute la durée de notre visite, soit près d'une heure, avec dedans, nos bagages, l'ordinateur, nos passeports et les clés - j'en ai encore des sueurs froides. Un épisode dont je m'inspirerai plus tard pour "Black coffee".

(De nos malheurs, je tire le meilleur.
Un manière bien à moi d'appliquer ce principe de résilience depuis toute petite: de ces instants où tout est noir comme de la suie, on fait un dessin avec les doigts pour en éclaircir les contours.)

Annette, ma grande étourdie, est finalement très heureuse que je l'ai forcée à nous rejoindre: elle va faire ici un reportage photo fabuleux.









Gaston s'éclate: des poules, des chèvres, un âne, un wagonnet de mine, des objets hétéroclites entassés partout, des voitures et camions ramenés là par le proprio farfelu du musée, c'est totalement magique. 
Ce musée sera décrit largement dans le roman et inspirera plusieurs séquences.







Nous irons déjeuner d'un hamburger hanté, et là, parmi les clients installés comme nous sur la terrasse (où Gaston fait l'andouille, ne tient pas en place et me met hors de moi, une fois de plus, je fais presque une crise de nerf après qu'il ait, coup sur coup, badigeonné mon bras de mayonnaise et renversé entièrement sa limonade sur la table et mon pantalon), un homme se tourne vers nous et nous montre une photo sur son Iphone: je reconnais Gaston, photographié hier par un touriste croisé downtown à Sedona - il avait craqué pour le costume de cow-boy. Incroyable: ce même touriste est là, à déjeuner au même endroit que nous... L'Arizona est petit.


Boisson fraîche


Je me souviens que je suis à la fois très heureuse et terriblement mal dans ma peau à cet instant. 
Durant le voyage retour, j'étais comme prostrée sur mon siège : pourquoi avoir fait ce (!) de voyage avec les enfants?! J'aurais tant aimé retrouver cette ville et prendre le temps d'en faire le tour, sereinement, de descendre ses ruelles escarpées, de visiter les boutiques, de dormir dans son hôtel (lui aussi hanté!)... Mais impossible avec une ado qui réclame toutes les cinq minutes de repartir, un mari tout mou, trop à la cool et dans ses rêves, qui laisse Gaston faire n'importe quoi, et un cow-boy hyperactif, tout cela avec un bon 45° à l'ombre.

L'hyperactivité de Gaston perdurera bien deux mois après le voyage, jusqu'aux premières semaines de la rentrée scolaire. Perturbé par le voyage et ses aléas, les tensions nombreuses vécues dans l'habitacle de la Mercury, l'impossibilité de se défouler, la perte de sa tétine, la fatigue, la chaleur et le décalage horaire, il sera infernal jusqu'à ce que je réussisse à le "cadrer", en lui redonnant des repères simples, restructurant ses journées et respectant ses heures de sommeil.



Le Grand Hotel, aménagé dans l'ancien hôpital

Visite express de la rue principale, on passe devant le Police office, et quelques bâtiments en ruine sans toiture, dont les murs chauffés par le soleil se dressent vers le ciel. Ils m'inspirent l'idée d'une expo en plein air... que je reprendai pour le roman. Un passage rapide au Grand Hotel (où Lola et les enfants descendront, lors de leur étape à Jerome) pour y prendre de la documentation et deux ouvrages consacrés à l'histoire de la ville, puis nous partons.




En rentrant à l'hôtel, je suis dans un tel état de fatigue nerveuse que je préfère aller me coucher plutôt que de profiter de la piscine. 
Le soir, nous dégottons en centre ville un restaurant hors du commun, The red planet diner : déco digne d'une épisode de Star Treck!

















Une soucoupe volante stationne sur le parking, E.T. dans les toilettes, des aliens dans les juke-box, les enfants adorent. Annette fait quelques photos en dépit du manque de luminosité.







Le hic, pas d'alcool.
Mais bon, Pierre ne rechigne pas: il a de la bière au frigo à l'hôtel. Oui, maintenant, on en a toujours en stock dans la glacière de la voiture, au cas où. On a aussi des boissons fraîches pour Annette (Mountain Dew), Gaston (jus de fruit, eau minérale) et moi (thé ou cranberry juice).
Allez, je vous laisse imaginer  la légende de cette photo:




Forcément, un endroit pareil se devait de figurer dans le roman. 
Il existera plusieurs versions du passage de Lola et de ses enfants au Red planet diner : une avec Desmond, une sans. Pour des raisons de planning, je serais obligée de garder la première version, ajoutant à la frustration de Lola de devoir dîner seule avec les enfants alors que le professeur devait être des leurs.

Nous rentrons dormir.
Je profite que tout le monde roupille pour aller pied nus sur la terrasse, respirer la fraîcheur de la nuit, attendre la caresse d'un vent d'une émouvant de douceur, et recevoir bien plus que cela : l'inspiration d'un livre.
Oui. 
Je sais à cet instant que, contre toute attente, ce n'est pas sur la route 66 que j'installerai mes personnages ni l'action principale du roman.
Mais la route sera là, toujours, en filigrane, de scène de crime en scène de crime, comme un mauvais rêve.


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